Près de 130 acteurs étaient réunis jeudi 9 novembre 2023 à l’occasion de la deuxième édition des Rencontres Normandes de la Bioéconomie qui s’est tenue à l’Université de Rouen. Cette journée co-organisée par Bioeconomy For Change (B4C) et la Chambre d’agriculture de Normandie, en collaboration avec Aquimer, l’AREA Normandie, Biomasse Normandie, France Chimie Normandie, l’Institut Carnot I2C et Valorial a permis de fédérer et d’encourager les synergies entre les acteurs de l’ensemble des maillons des filières de la bioéconomie.
Des réalisations concrètes sur le territoire normand grâce à la bioéconomie
Le territoire normand dispose d’une importante diversité de biomasses sur son territoire (agricole, aquacole…). Forte de ses nombreux atouts, la région Normandie poursuit la structuration de ces cinq filières clés : les protéines végétales et les nouvelles filières, la bioéconomie bleue, les fibres naturelles à usage matériaux et textiles, les bioénergies, et la chimie biosourcée, comme en témoignent :
Pascal Goumain (Président de Saumon de France) : sa ferme d’élevage, la plus grande sur le territoire national avec un potentiel de 3 000 tonnes de saumon et truite, Saumon de France relocalise une filière durable de saumon en France. Son objectif ? Produire 20 000 tonnes de saumon à horizon 2030, soit 10% du marché français.
Sébastien Liard (Directeur Général de Corroban), dont l’objectif à terme est de sortir de la chimie fossile pour aller vers une chimie 100% biosourcée. Corroban conçoit et fabrique des détergents et dégraissants à destination de la marine, de la pétrochimie, des transports, du BTP et de l’hygiène professionnelle.
« Pour accélérer nos développements dans la chimie du végétal, nous avons établi un partenariat avec le laboratoire URCOM de l’Université du Havre afin d’intégrer un étudiant chercheur dans notre entreprise. » Sébastien Liard, Directeur Général de Corroban
« L’association L.E.G.G.O. (Légumineuses à Graines Grand Ouest) a été initiée par quatre chambres d’agriculture du Grand Ouest (Bretagne, Centre-Val de Loire, Pays de la Loire et Normandie) pour recréer une dynamique autour des filières de légumineuses à graines. Elle constitue un écosystème intégrant les acteurs de l’amont et de l’aval, favorisant ainsi la rencontre entre l’offre et la demande. Il y a bien un marché des légumineuses à graines, avec une demande croissante. Il est question d’être complémentaire avec les autres régions afin d’adapter les pratiques culturales aux changements climatiques. » Peggy Bouchez, responsable équipe filières chambres d’agriculture de Normandie.
Le développement de ces filières est un véritable levier de croissance et d’accompagnement pour la transition économique, agricole, environnementale et sociétale de la région.
La biomasse, à la croisée de multiples marchés : l’exemple du lin
La Normandie produit 63% du lin textile en France, occupant ainsi la première place. Le lin textile présente une grande diversité de débouchés :
- Les fibres longues de lin pour l’habillement, le linge de maison, la décoration, les revêtements muraux ou d’ameublement et les tissus techniques (Eco-Technilin et le Groupe Depestele) ;
- Les fibres courtes pour la papeterie ou pour des débouchés en fibres techniques en construction (Terre de lin) ;
- Les anas de lin (co-produits) pour la fabrication de panneaux agglomérés d’isolation, de litière pour cheveux ou de paillage, de brosse à dent (développement de la formulation par Natureplast) ou encore l’utilisation à pour des valorisation chimique (société Prevcarb) ;
- Les graines pour la création variétale, la transformation en huile et en solvant à destination de savonneries, de peintures ou de vernis.
« Nous avons pu démonter la performance technique en termes de résistance, de légèreté et de caractéristiques spécifiques. […] Nous fournissons Salomon depuis 7 ans pour les skis de randonnée qui sont composés à 50% de lin et 50% de carbone. Un autre exemple concerne l’année dernière, où nous avons participé au développement d’un catamaran dont une part de la partie pont est réalisée en lin. » Tristan Mathieu, Responsable des applications techniques et composites chez Terre de lin
« Il faut maintenir les savoir-faire industriels et aussi les savoir-faire dans les laboratoires normands. Aujourd’hui nous avons une connaissance fine de la biochimie du lin jusqu’à la science des matériaux. Le lin est mature pour diverses applications telles que le sport et loisirs, l’aéronautique, l’automobile, la santé pour quelques applications. Le lin peut être aussi associé à des composites hybride tels que les fibres de carbone. » Joël Bréard, Professeur des universités dans l’Unité Recherche Aliments Bioprocédés Toxicologique Environnement
« Nous avons travaillé sur l’élaboration d’un béton à base de lin, ce qui a abouti à un projet collaboratif avec Builders (Ecole Supérieure d’Ingénieurs des Travaux de la Construction de Caen, maintenant devenue Builders) et la C.M.E.G (Coopérative Métropolitaine Entreprise Générale). Le deuxième volet que nous développons concerne la fabrication de bétons biosourcés, utilisant les anas de lin. Ce coproduit confère des propriétés hydrothermiques et acoustiques aux matériaux, adaptées au secteur du bâtiment. Grâce au gisement local d’anas, il serait possible d’isoler 50 000 maisons chaque année en Normandie. » Hector Cuadrado, Ingénieur R&D chez Groupe Depestele
« Chez Prevcarb, nous faisons du bioraffinage lignocellulosique à partir d’anas de lin. Ce processus chimico-thermomécanique permet d’obtenir trois constituants : la lignine, utilisée comme liant dans les composites ; des molécules fonctionnelles pour des applications industrielles, notamment dans la cosmétique ; la cellulose, destinée aux emballages ou à des utilisations chimiques ; et l’hémicellulose sous forme de mélasse pour l’alimentation animale. En ce qui concerne l’état d’avancement de notre projet, nous avons l’intention de mettre en place une unité pilote dimensionnée pour traiter 50 kg de biomasse, nécessitant un budget de 3 millions d’euros. » Alexis Nass, Président du directoire de Prevacrb
La vision de la stratégie bioéconomie Normande incarnée par les acteurs
La Région Normandie s’est engagée en 2023 dans le développement de la bioéconomie sur son territoire, au service de la compétitivité et des acteurs normands. La stratégie bioéconomie normande, fruit de la collaboration entre la Région, la Chambre d’Agriculture, Bioeconomy For Change, et la participation d’Aquimer, Biomasse Normandie, Cosmetic Valley, France Chimie Normandie, Carnot I2C et Valorial, vise à accélérer et à soutenir la structuration des cinq filières clés du territoire d’ici 2025.
Maximilien Duval de la Région Normandie a présenté un panel de dispositif d’aide pour soutenir le développement et l’accélération des projets de R&D&I sur le territoire, véritable levier pour les entreprises.
Marie Guillet, directrice de Biomasse Normandie a présenté le travail d’agrégation des observatoires existants afin d’avoir en Normandie un observatoire des ressources. Elle a rappelé l’importance de ce type d’outil car «il n’y aura pas de biomasse pour tous les projets ».
MéthaNormandie a été évoqué pour montrer l’intérêt d’animation de filière pour accélérer son déploiement et atteindre rapidement les objectifs.
Un portail dédié a été lancé. C’est la vitrine unique où se trouvent tous les éléments de la stratégie de la bioéconomie, les actions dans les différentes filières, les atouts de la région pour la bioéconomie, la bioéconomie en France et en Europe, les dispositifs d’aides et les appels à projet. Ce portail a aussi vocation de promouvoir les actions des acteurs de la bioéconomie en région, notamment à travers une cartographie, et des interviews.
Découvrez-le ici : www.bioeconomie-normandie.fr
Les échanges lors des tables rondes soulignent un réel dynamisme des acteurs de la bioéconomie autour des cinq filières clés du territoire. Des projets prometteurs émergent dans un contexte porteur. Le territoire normand est propice au développement du biosourcé. Il réunit de nombreux facteurs clés de réussite tels que des ressources diversifiées et de qualité, une ambition politique affirmée, des compétences diversifiées, des dispositifs d’accompagnement et une demande marché présente. La journée s’est conclue par des ateliers participatifs thématisés par filière.